Article rédigé par Emmanuelle Pellé, journaliste végétable et publié en primeur sur notre site, puis à paraître dans l’édition de mars 2025 du magazine Végétable.
Le Salon international de l’Agriculture, fin février à Paris, a été l’occasion pour les enseignes, particulièrement cette année, de marquer et d’afficher leur engagement auprès du monde agricole. Toutes ou presque ont promis d’accompagner leurs fournisseurs dans la transition agroécologique, en s’entourant de spécialistes des sujets climatiques et environnementaux.
Depuis la crise de 2024, les agriculteurs n’ont de cesse de le répéter, au-delà de la juste rémunération, qu’ils ont besoin de fierté et de reconnaissance. Les enseignes l’ont bien entendu et, au-delà des efforts de rémunération, elles doivent prendre leur part dans le risque lié au changement de pratiques nécessaire pour s’adapter aux contraintes climatiques.
La distribution comprend aussi le besoin de visibilité sur les débouchés commerciaux, afin de garantir l’attractivité des métiers et assurer le renouvellement des générations d’agriculteurs, mais mesure également, dans l’autre sens, la nécessité de sécuriser leur sourcing. « L’objectif est de pérenniser l’approvisionnement de proximité, et ce faisant, de contribuer à la vitalité des territoires ruraux », a pointé Benoît Montfort, patron du Super U de Noisiel (94), à l’occasion d’un débat organisé à la table du stand Agridemain, le 26 février. « Nous possédons la volonté de nous impliquer dans le monde agricole sans imposer, de trouver des solutions à long terme avec les producteurs. Dans l’objectif que tout la chaîne de valeur en bénéficie. C’est une démarche coconstruite avec les équipes commerciales », a affirmé Bertrand Morand, responsable des filières et partenariats de Coopérative U. « Avant, c’était une question de différenciation marketing. Aujourd’hui, c’est vraiment un sujet d’intérêt collectif », a souligné Anne Trombini, directrice de PADV (Pour une agriculture du vivant). Il est important que les distributeurs s’engagent aux côtés des agriculteurs et les soutiennent à travers des contrats.
Les piliers agronomiques sont désormais connus. Reste à définir qui fait quoi et qui paye quoi ? Le même jour, Lidl avait convié ses fournisseurs pour tirer un bilan de sa tournée « Terres d’avenir », avec trois experts (eau, biodiversité et changement climatique). « Nous ne voulons pas nous placer en donneurs d’ordre, avec un cahier des charges imposé. Nous souhaitons accompagner les producteurs et valoriser les bonnes pratiques qu’ils ont déjà mises en place », a rappelé Jean-Christophe Monnez, directeur des achats de Lidl France. L’enseigne a d’abord travaillé plusieurs années avec 12 filières pilotes, pour aboutir à 8 feuilles de route après cinq ans de travail. Les comités organisés en régions entre 2024 et 2025 avec les 126 fournisseurs de Lidl ont permis d’enrichir et d’adapter ces feuilles de route à l’ensemble des 67 filières fruits et légumes.
Cette tournée sur le terrain a montré que les opérateurs sont déjà très actifs sur la réduction des produits phytosanitaires, poussés par la pression réglementaire croissante. « Ils sont nombreux à travailler sur la santé des sols, selon les principes de l’agriculture de conservation, avec un référentiel commun, qu’ils raisonnent ensuite à l’échelle de l’exploitation », a observé Inès Dupouy, cheffe de projet RSE achats. « Chacun avance à son niveau. »
Quant au climat, les défis à relever sont et seront différents d’une région à l’autre, mais tous ont un fort besoin d’accompagnement, pour mettre en place des outils de diagnostic, notamment. « L’intérêt de la démarche de Lidl est de structurer les initiatives et de permettre aux fournisseurs de s’inspirer des bonnes pratiques de leurs confrères », a résumé Patrick Larrère, dirigeant des Fermes Larrère et producteur de carottes. Prochaine étape, la validation des objectifs et plans d’action par typologie de filière pour, in fine, valoriser tous ces efforts auprès des consommateurs.
De son côté, à l’occasion de ce grand rendez-vous parisien, l’enseigne Carrefour a signé un contrat avec les Vergers écoresponsables, s’engageant à promouvoir le label, mais aussi simplifier les audits pour ses cahiers des charges de distributeur. « Nous allons passer de 250 à 130 points de contrôle, dont 80 en commun avec notre cahier des charges Vergers écoresponsables », s’est réjoui Raphaël Martinez, directeur de l’AOP Pêches et Abricots de France, qui attend des avancées similaires avec les autres enseignes.